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3) Il n’y avait
pas plus calme que ce bébé là...
4) Aucun parent ne devrait plus ignorer...
Je suis autiste, et je m'en rends bien compte. Mais ce n'est que récemment que j'en ai pris pleinement conscience : depuis l'âge de 20-21 ans à peu près. Jusque là, je savais que je n'étais pas comme les autres, mais je n'avais pas acquis autant de recul dans ce domaine qu'à présent. Il a fallu, un moment donné, m'envoyer à mi-temps dans un centre psy (j'avais alors 8 ans), tout comme il a fallu faire le tour des psys pour moi, sans oublier que mes parents ont dû se saigner aux quatre veines pour que j'obtinsses enfin une scolarité normale. Pourquoi, d'après moi ? Evidemment, j'aurais pu me douter beaucoup plus tôt de la raison.
Mais encore eût-il fallu que je susses définir le terme d' " autiste "... Puis il y eut ce jour de l'été 1995 (j'avais tout juste 21 ans), où je rencontrai à Cagnes-sur-mer un garçon un peu plus âgé que moi (il avait 23 ans). Il avait élaboré toute une ville imaginaire sur grand format, tout comme j'en avais dessiné une bonne dizaine sur format raisin. Un jeune autiste aussi mégalomane que moi, donc. Son nom est Gilles Tréhin. En lui, j'ai trouvé en quelque sorte un alter ego. Ce fut un événement marquant pour moi. Raison de plus, donc, pour m'accepter en tant qu'autiste !Bien entendu, j'aurais peut-être pu m'accepter en tant que tel beaucoup plus tôt. Mais est-ce si évident que cela ? en fait, dans mon inconscient, je me refusais de considérer cette réalité (c'est un phénomène que les psychanalystes appelleraient un déni), alors que je me souviens de tant d'attitudes anormales datant des années de mon enfance. Il faut dire aussi qu'à propos d'un enfant qui agit d'une manière incongrue et par ailleurs anormale - à moins d'être zen ou psycho - on le blâmera instinctivement en lançant cette phrase humiliante pour lui : " C'est un débile mental, il faut l'interner, point à la ligne ! " Mettons-nous donc à la place de ce pauvre enfant qui reçoit une telle qualification à son sujet !
Mais, en fin de compte, où est la norme ? Faut-il vouloir être dans la norme à tout prix, quitte à basculer dans le snobisme ? Devoir être " comme il faut ", n'est-ce pas dans un sens devoir perdre sa personnalité ? Selon les " braves gens " de Brassens qui n'aiment pas " que l'on suive une autre route qu'eux ", pour qui celui qui manque une messe serait coupable de péché mortel, les gens tenus pour " hors norme " doivent être écartés. On peut se demander alors si ces " braves gens " ne manquent pas de personnalité... Si l'on pense à ces gens " comme il faut " qui, en fait, gardent un certain fond d'hypocrisie, être normal n'est pas une référence. Et puis, tant que je vis dans mon monde intérieur, que je m'y complais, et tant que je vaque à mes dessins, je peux un moment oublier ma différence. Adolescent encore, je ne voulais pas assez admettre cette différence, et d'ailleurs, tout souvenir " pas racontable " ne semblait pas avoir tant d'importance pour moi, du moment que je m'abandonnais sans compter à mes grands chantiers urbanistiques sur mes feuilles de grand format et que j'essayais de me constituer une culture personnelle sur ce thème en étudiant à travers guides et livres la dimension historique et monumentale d'une ville. Il est bon de ruminer sur soi-même. Mais il est bon aussi de pouvoir ruminer sur son propre bagage culturel, car, à mesure que l'on grandit, que l'on vieillit, on acquiert de plus en plus une culture personnelle, du moins dans un domaine précis. Les autistes, c'est bien connu, ont tendance à prendre les notions au pied de la lettre. C'était bien mon cas, et j'en garde des souvenirs amusants à ce propos: -A l'école primaire : Papa avait appris que je posais de drôles de questions, du genre -A propos de produits de facteurs : " Ah bon, parce que les facteurs vendent des produits ? Je croyais qu'ils donnaient des lettres ! " -Et à propos de tables de multiplications : " Ah, les multiplications sont à table ? Et alors, est-ce qu'elles mangent bien, à table ? " Voilà comment j'étais capable d'interpréter les choses ! -Autre preuve, d'ailleurs: Une fois, en CM 1, on chantait une chanson parlant d'un vieux cow-boy aussi peu ordinaire ~qu'un certain jardinier d'une autre chanson, et distrait au point d'avoir " oublié d'enfiler ses chaussettes avant de mettre ses souliers, car il n'a pas de tête, il rêve toute la journée ". Voilà donc un cow-boy acéphale, me dis-je, à l'instar d'une certaine Victoire de Samothrace ! Comment diable peut-on rêver sans avoir de tête ? Telle était l'interprétation que j'avais ... dans ma tête ! Faut-il établir là un lien avec mes souvenirs plus anciens de ces petits bonshommes sans tête qui, d'ailleurs, transparaissaient à travers certains de mes dessins ? Et, à propos de tête, moi, si rêveur, en ai-je bien une quelquefois ? Physiquement parlant, c'est évident ! En bref, le premier degré fut ma grande spécialité. Quant au second degré, qui n'est donc pas inné, je l'ai tout de même acquis au fil de mes années de grand jeune homme, grâce à un père avec qui, pour cela, je suis à bonne école, il faut l'avouer ! Par exemple, il m'avait fait savoir que celui qui a un cœur de pierre n'a pas pour autant un caillou à la place de son cœur (encore heureux, comment vivrait-on, dans ces conditions ?) Jusque là donc, je ne saisissais pas les subtilités, n'ayant pas eu la compréhension facile. Cet esprit de compréhension m'est venu petit à petit, mais il faut laisser le temps au temps... Dans mes lectures déjà, je ne comprenais pas tout ; quant aux films, n'en parlons pas ... J'énervais l'entourage par les questions que je posais au sujet des films que je n'arrivais jamais à bien suivre, d'autant que la télé ne permet pas de maîtriser le temps comme si on lisait. Autre exemple flagrant de mes problèmes d'interprétation Un jour de cinquième (j'avais 13 ans), en instruction civique, on étudiait en quoi consiste le budget, en parlant de recettes et de dépenses. " Recettes ", a écrit le prof ? Qu'est ce que la cuisine vient faire dans le budget? Tout simplement, j'avais compris " recettes de cuisine " ! Et, à propos de l'Etiquette que les courtisans de Louis XIV devaient observer, il est évident qu'il ne s'agissait pas d'autocollant ! Comme quoi il faut toujours garder en tête le fait qu'un mot puisse cacher plusieurs sens : un sens propre, des sens figurés ... Et les métaphores ne sont pas rares dans le langage ! Et cela, je l'ai enfin pleinement intégré. Quelle évolution intellectuelle je sens, par rapport à l'adolescent immature que j'étais... De tout temps, le dessin est pour moi un mode d'expression. Mes parents se souviennent de m'avoir vu tenir déjà un crayon lorsque j'avais à peine deux ans. C'est de cette manière que j'ai toujours communiqué. Dans ma vie scolaire, même si je ne recherchais pas spécialement la compagnie, il n'en est pas moins vrai que j'arrivais à attirer mes camarades grâce à ce don. Certains d'entre eux se souviennent d'ailleurs avoir reçu des dessins de moi, et un ancien camarade de cinquième a remarqué récemment chez moi une de mes maquettes de ville à laquelle j'étais alors attelé. Mais, si mon entourage a reconnu de tout temps que j'étais si doué, ce n'est pas moi qui m'en suis rendu compte dès le départ. Cela dit, j'ai persévéré dans cette voie, vivant diverses périodes qui transparaissent dans mes dessins où tout le non dit se devine. Parmi ces diverses périodes vécues personnellement, c'est le monde urbanistique qui prédomine chez moi, ce monde que j'ai élaboré au fil des années. Mais une ville ne se fait pas en un jour: j'ai commencé modestement par dessiner ou construire des maisons, et par empiler des étages. Mon univers citadin est un squelette qu'il a fallu étoffer petit à petit, tout comme les quartiers des villes se sont développés à partir de simples routes et chemins vicinaux. Ainsi, j'ai pu évoluer vers des villes plus élaborées, travaillant dans un premier temps sur des feuilles des plus ordinaires, avant d'en attaquer de meilleure qualité, se prêtant mieux à l'élaboration du graphisme. Comme j'ai toujours perçu la ville dans ce qu'elle a d'étendu, c'est le format raisin (50cm ´ 65cm) qui me convenait le mieux. Avant, faute de mieux, je collais bout à bout mes feuilles de manière à en faire des dépliants. Après ces grandes réalisations, je me suis intéressé à la ville dans laquelle j'habite, et en ai tiré une centaine d'aquarelles, que j'ai eu le bonheur de voir éditée dans un livre " Belfort au fil des rues ".
Petit, Damien était un enfant facile, trop facile peut-être. Parfois, il avait de grands éclats de rire. Il avait le sens de l'observation particulièrement développé. Très vite, nous nous sommes aperçus qu'il ne se liait pas avec les enfants de son âge. Il était dans son monde, comme venu d'une autre planète. Très tôt, à l'âge de deux ans, il commence à tenir un crayon et à dessiner. Il parle mais nous avons du mal à établir un dialogue. Il n'utilise jamais " je " mais " il " pour parler de lui.
A trois ans, il rentre à l'école maternelle. Quelques semaines après sa rentrée, nous sommes convoqués par le psychologue scolaire. Les ennuis commencent. Son attitude trouble l'institutrice. Il n'est pas comme les autres. Damien sera suivi par un psychologue deux fois par semaine au centre psychiatrique. C'est assez lourd mais il faut le faire. Régulièrement, nous les parents, avons des entretiens avec des psychologues. C'est assez dur. Nous avons l'impression d'être coupables. L'institutrice prend beaucoup de temps avec Damien, essaye de le comprendre. Il suivra deux années avec elle et semble s'attacher à elle. Le dessin est son moyen d'expression. C'est une chance inouïe. Il faut tout miser là dessus. En troisième année de maternelle, il change d'institutrice. Il y a quelques difficultés mais l'année s'écoule. Nous changeons aussi de psychologue. Nous allons cette fois-ci deux fois par semaine à Montbéliard chez une autre psychologue. Vient ensuite le cours préparatoire. Il est chez une dame très gentille, apprend à lire rapidement. L'institutrice est contente de son année : elle a pu obtenir de Damien beaucoup de choses.
Il passe au CE1. Mais cette année-là est catastrophique. Les cahiers sont noircis de dessins. Il redouble. La CDES décide de le placer à mi-temps en hôpital de jour. Il fallait, nous a-t-on dit, décharger l'institutrice qui était très jeune. Elle n'aurait pas pu le supporter toute la journée. On essaye cette solution mais au bout de plusieurs mois, Damien n'est pas bien dans ce milieu. Il régresse. Ses attitudes nous inquiètent. Un jour, en l'emmenant à l'hôpital, il dit " NON ". Nous avons tout de suite compris. Nous voulons le retirer du milieu psychiatrique. Ce n'est pas facile. Quand on est engagé dans cette voie, il est difficile de faire machine arrière. On s'en rend compte très vite. Nous argumentons que nous pouvons faire les activités nous-mêmes l'après-midi. C'est entendu. Nous reprenons Damien avec nous. Il va beaucoup mieux. L'année CE2 ne se passe pas trop mal mais à la fin de l'année, nouveau malaise. Il ne peut pas passer en CM1 et il ne peut pas redoubler. Pourquoi ? Que faire ? Il faut se battre, trouver une solution. Un homme de responsabilité dans l'Education Nationale nous sort de l'ornière. Il est compréhensif, humain. Il a tout compris. Il veut donner sa chance à Damien. Brutalement, tout s'éclaire. Damien sera accueilli en CM1 par un instituteur. Celui-ci joue le jeu. Les années CM1 et CM2 sont acceptables. Il y a beaucoup de difficultés mais Damien arrive à apprendre et progresse. Son institutrice de CM2 avait compris qu'il fallait être dur avec lui parfois. Il profitait un peu de la situation semble-t-il… Nous avons toujours eu un suivi régulier (réunions pour faire le point). Viendra ensuite le collège, l'entrée en 6ème. Nous la préparons soigneusement (réunion entre parents, institutrice, principal de collège, directrice de l'école et médecin). C'est assez angoissant. Nous ne savons pas comment il va réagir. Notre objectif n'était pas de prévoir l'avenir mais de vivre année par année. De la 6ème à la 3ème, ce fut chaotique. Les matières l'intéressaient plus ou moins. Evidemment, en Arts plastiques, il brillait ! Les professeurs étaient soit tolérants, soit agacés, c'était variable. Certains avaient beaucoup de mal et on peut le comprendre. Damien exprimait tout haut ce qu'il ressentait et cela perturbait la classe… Je me souviens qu'en 4ème, le seul à faire des compliments sur lui (excepté le professeur de dessin) était le professeur d'italien. La langue lui plaisait et la personnalité du professeur lui convenait. Damien a pu faire des voyages en Italie, ce qui a été très bénéfique. Il a toujours été épaulé par des camarades de classe. Il attirait ceux-ci par son talent et par sa particularité. Les filles étaient de " petites mamans ", s'inquiétaient pour sa façon d'être et se souciaient des devoirs. Je remercie ces enfants. Ils avaient perçu la difficulté d'adaptation et ils ont été très précieux dans la vie de Damien. Par contre, la quatrième et les deux années de 3ème ont été un peu dures. Les camarades avaient du mal à le supporter et il a eu avec certains des moments difficiles (moqueries, brimades). Il a fallu intervenir car nous sentions Damien déstabilisé. Nous avions aussi choisi cette voie-là et il fallait assumer. Heureusement, il dessinait ses villes imaginaires et il oubliait sa différence. Vient ensuite le lycée. A nouveau, nous préparons le terrain. Nous rencontrons le proviseur lu lycée. La seconde, première et terminale se passent bien. Les difficultés sont en nette régression. Damien a envie d'étudier, la philosophie lui plaît. On le sent bien. Il a choisi l'option Arts Plastiques. Il passe son bac en 1994 et le décroche facilement. Que va-t-il faire maintenant ? Nous sommes " dans la nature ". Il suit une année pleine à l'école d'Art Jacot non diplômante. Il apprend la technique de l'aquarelle. L'année suivante, il s'inscrit au CNED pour un DEUG d'Arts Plastiques Paris-Sorbonne. Il aime étudier, approfondir ses connaissances et en fin d'année passer les examens et en même temps découvrir Paris. Ce sont de belles années. Pour lui, c'est la liberté. Je l'accompagnais régulièrement en mai et septembre et il m'a fait découvrir les beaux quartiers parisiens. Il obtient son DEUG en 1999. Parallèlement, sa carrière artistique se desssine. Il expose en novembre 1997 à Besançon avec le soutien de la fondation France Telecom. Le maire de cette ville se déplace en personne. Il y a du monde. C'est très émouvant. Un ARTISTE naît. Il dessine Belfort, ce qui fait le connaître à la mairie de cette ville. En 2001, paraît le livre " Belfort au fil des rues " en vente à la FNAC qui connaît un vif succès sur la place. Récemment, le 23 novembre 2002, il intervient au congrès d'Autisme France. Il parle pendant 12 minutes devant plus de 1000 personnes à la Mutualité de Paris. Il s'exprime avec beaucoup d'aisance. C'est encore une nouvelle victoire et des moments d'intenses émotions. Il a aussi de nouveaux projets. Il se lance dans une série de dessins sur Besançon pour une future édition… et de nouvelles expositions… Son frère le fait également connaître par un site internet : http://www.damien-eschbach.com/. Vous pouvez contacter Damien à denis.eschbach@free.fr.3) Il n’y avait pas plus calme que ce bébé là. Trop calme. Pas de contact avec les yeux, pas de réaction aux sons, pas de gazouillis. Un spécialiste nous a même prédit qu’il ne marcherait jamais.
Ses défenses immunitaires semblent ne pas fonctionner, il attrape la varicelle à l’âge de deux semaines alors que sa maman l’allaite et qu’elle est elle-même immunisée. Première opération à l’âge de 9 mois, les végétations, pour essayer de contrer ses otites séreuses, ses rhumes et ses bronchites. Parallèlement, dès l’âge de 7 mois, nous achetons (même en Pennsylvanie) des livres et matériel de Glenn Doman pour le stimuler. A partir de 10 mois, une psychologue clinicienne formée par des Anglais à la méthode de surstimulations est une aide précieuse. Nous travaillons beaucoup avec lui entre ses opérations et ses trop nombreuses maladies. Chacun de ses progrès nous remplit de joie et de reconnaissance. Il marche à 18 mois. Nous régulons sa température (trop basse) à l’aide de chromatographie. Nous travaillons en famille avec lui dans chacun des sept domaines. Cependant la communication est quasi inexistante, il se replie de plus en plus dans son monde, il aime tout ce qui est stéréotypée. Son jeu favori sera longtemps d’éteindre, d’allumer, d’éteindre, d’allumer, d’éteindre, d’allumer…la lumière. Il se tape la tête contre les murs quand il se sent incompris. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour changer le plus possible son rythme de vie, lui faire voir beaucoup de choses différentes. Le changement lui fait peur, nous le rassurons avec beaucoup d’amour. Il sort peu à peu de ses comportements autistiques. En lui donnant régulièrement de la vitamine C, il ne tombe que très rarement malade. Mais son déficit en oligo-éléments, surtout en zinc, essentiel à la croissance, malgré la supplémentation, n’arrive pas à se résorber. A trois ans, nous arrêtons son traitement pour ses régurgitations et remontées acides. Celui-ci activait son transit, empêchait une bonne assimilation. Il n’avait ni grandi ni grossi pendant presque un an. De plus, il ne peut pas manger de morceaux, nous lui mixons tout. La seule orthophoniste qui accepte de travailler avec un enfant ne disant que des « A » habite à 90 km. Nous la voyons deux fois par semaine. Il apprendra à dire Papa, Maman et moto.
A 4 ans, le troisième (et enfin compétent) ORL, diagnostiquera des otites adhésives (tympan collé aux osselets), il ne peut entendre que très mal. Dès la pose des drains, il s’ouvre et commence à dire des mots, sa prononciation est imparfaite, mais quelle joie ! Par contre l’intégration à l’école est un échec. On le change d’école en décembre parce que sa première maîtresse ne le supportait pas. Comme il a des difficultés, il ne va que deux heures par semaine à l’école. Je n’ai toujours pas compris cette logique de l’éducation nationale qui dit que quand un enfant a des difficultés, on doit s’en occuper moins…Au CAMPS où il va deux matinées pars semaine, il n’y pas d’objectif précis, pas d’ambition, peu de communication avec les parents. Les moindres questions leur font croire qu’on n’a pas confiance en eux. La deuxième maîtresse est très gentille mais avec 30 enfants répartis en trois niveaux, elle ne peut s’occuper individuellement de lui. Il ne comprend pas les consignes orales ni donc ce qu’on attend de lui. Il est écholalique. Il met le deuxième trimestre pour prendre ses repères. La naissance de sa petite sœur ne l’empêchera pas de continuer d’aller voir son orthophoniste. Au troisième trimestre, il progresse bien. Il parle avec ses yeux…
A 5 ans, la maman suit des stages pour connaître la méthode Makaton. Elle permet aux enfants qui n’apprennent pas à parler de manière naturelle à communiquer. Elle s’appuie sur des images, symboles et signes (à peu près le langage des sourds-muets) et de tout autre approche par les autres sens. Notre petit dysphasique commence avec cette méthode ses premières phrases. A la rentrée, la maîtresse le met dans le groupe des petits. Un jour que je discutais avec la maîtresse et que Nicolas s’appliquait pour colorier son dessin, elle me dit qu’il ne comprenait rien, qu’il n’arrive rien à faire et que ses élèves de deux ans réussissaient mieux que lui. Je le vois alors prendre un crayon et gribouiller tout son dessin avec rage… Elle m’avouera à la fin de l’année que le CAMPS lui avait dit que ce n’était pas la peine qu’elle se fatigue avec lui puisqu’il ne pourra jamais aller au Cours Préparatoire… N’importe quel enfant, lorsqu’il ressent ce manque de confiance en lui, est entravé dans son apprentissage !
A 6 ans nous décidons de l’instruire à la maison. Nous lui aménageons une belle petite école dans le grenier. La tâche est ardue, il n’a pas la notion de nombre ( ne sait pas la différence entre 1 et 2), de rythme logique… par contre, il sait reconnaître plusieurs mots de manière globale écrits sur de grands cartons depuis l’âge d’un an. Sa maman essaye de se mettre dans son mode de compréhension, elle travaillera d’une manière très concrète avant d’aller peu à peu dans l’abstrait. Chaque notion constitue un but à atteindre ; elle sera décomposée en plusieurs étapes. Il progresse dans tous les domaines d’une manière remarquable. De temps en temps, une dame des SESSD vient à la maison. Elle ne fait pas de travail scolaire, mais lui fait faire de la psychomotricité, du poney, du travail manuel…
A 7 ans, il voit une orthophoniste spécialisée en déglutition, Madame Senez. Elle nous apprend qu’il a un réflexe nauséeux. C’est un réflexe qui aurait dû disparaître à l’âge de quelques mois. C’est ce réflexe qui fait que lorsque nous chatouillons le fond de notre gorge, ce qui est dans notre estomac remonte. Nicolas l’a sur ses gencives, sa langue, son palais. Des massages appropriés une dizaine de fois par jour font régresser ce réflexe d’une manière spectaculaire. En quelques mois, il mange des morceaux !
A la rentrée, au bout de 2 semaines, bien qu’il sache lire (sans bien prononcer), une école spécialisée nous dit poliment qu’il ne peut progresser chez eux à cause de son comportement. Nous nous battons pour obtenir de la CDES et de l’Inspection Académique l’autorisation de l’inscrire au CNED. Il l’obtiendra début décembre. Nous embauchons une dame qui se prépare à l’IUFM qui l’instruira lorsque sa maman est au travail (à temps partiel). La CDES nous a demandé d’inscrire Nicolas dans un IME (Institut Médico-Educatif) en nous disant qu’il y avait une institutrice spécialisée. Il ira l’après-midi. En fait, à partir de midi, pour que soit compté un prix de journée (pauvre Sécurité Sociale). Bilan : à la fin de l’année, en travaillant d’arrache-pied à cause de la perte de presque un trimestre, Nicolas a très bien réussi son Cours Préparatoire en ne travaillant que le matin. A l’IME, il n’a rien voulu faire. Ah si ! il appris à se taper la tête… Les éducateurs manquaient d’ambition. Pour certains, leur seul but était que les enfants sachent se tenir tranquilles, pour le directeur « apprendre à lire » signifiait pouvoir à 18 ans lire les titres des journaux et des panneaux routiers…
A 8 ans, à la rentrée, nous ne voulons évidemment plus que Nicolas retourne dans cet établissement. Il est inscrit au CNED au Cours Elémentaire 1 et nous embauchons une autre dame (la première a réussit son concours d’entrée grâce, nous a –t-elle dit, à Nicolas) qui se prépare aussi à l’IUFM. Nicolas sera instruit par sa maman en dehors de ces 4 demi-journées. Il retrouve un équilibre avec la natation et l’équitation (qu’on continuait) et se tape de moins en mois la tête. On lui donne du Super-Nuthera® qui l’aide bien. Il réussit très bien son CE1, surtout les mathématiques, malgré le fait que sa maman est tombée très malade (3 séjours à l’hôpital et deux opérations). Sa grand-mère maternelle avait pris le relais.
Pendant les grandes vacances, la méthode TOMATIS lui donne un langage plus fluide. 3 mois après, l’orthophoniste qui le suit ne reconnaît plus du tout Nicolas dans le rapport que la précédente orthophoniste avait fait.
A 9 ans, à la rentrée, en plus du Cours Elémentaire 2 (toujours au CNED, à cause de son manque de concentration), il fait aussi de la natation ; toutefois on a arrêté l’équitation trop chère en temps et en argent. Il n’est pas normal que lorsqu’un enfant est en institut, il coûte plus de 1500 € par mois à la société (il est même nourri) mais que s’il travaille à la maison, les parents n’ont aucune aide. Dans les faits, (cela dépend des régions), l’AES n’est pas augmenté si les parents font le travail d’éducation eux-mêmes, il est même diminué si l’enfant progresse ! Dans les pays nordiques, les parents ont le choix : soit ils mettent leur enfant handicapé dans une structure, soit on leur donne l’argent correspondant au coût de l’institut et ils s’occupent eux-mêmes de leur enfant… Cette année-là sera très chaotique, sa maîtresse est tombée très malade en début d’année scolaire. Sa maman doit assumer pratiquement seule l’enseignement en plus de son travail : il n’y aura qu’un remplacement d’un mois et un autre en fin d’année. Son hyperactivité augmente de plus en plus. Le régime indiqué dans le livre « la drogue cachée, les phosphates alimentaires … » de Hertha Hafer lui convient bien. Son orthophoniste et son orthoptiste nous disent combien il a changé. Nous bénéficions de plusieurs mois de répit.
A 10 ans, Nicolas est au CM1. Sa maman est assistée d’un maître à la retraite (rémunéré par nos soins et une toute petite partie par le CNED). Des troubles (manque de concentration, fatigue et automutilation) recommencent. On a contacté le Dr MELET qui a diagnostiqué une intoxication au mercure. Celui-ci est passé probablement pendant la grossesse à travers le placenta lors de travaux dentaires. Les plombages n’ont rien arrangé. On a fait plusieurs analyses qui mettent toujours en avant de grosses carences en zinc, en magnésium, en calcium… en vitamine B6. On redonne une supplémentation. Parallèlement, des anticorps anti-gliadine semblent indiquer une intolérance au gluten. Nous savions déjà que l’autisme et l’hyperactivité (qui sont très liés) peuvent être liés à une carence en oligo-éléments et en vitamine B6 et aussi à une intolérance alimentaire (les produits laitiers et le gluten ont été incriminés). Néanmoins il était dur d’admettre que notre fils avait tout cela.
Durant les vacances scolaires, sa maman fait un stage pour
apprendre à enseigner le «Programme
d'Enrichissement Instrumental»(PEI) du Pr Feuerstein. «Enrichissement», parce qu'en donnant
des stratégies d'apprentissage et de réflexion ce programme enrichit l'esprit.
«Instrumental», parce qu'il s'agit d'une série d'instruments - 14
cahiers d'exercices - destinés à susciter et à aiguiser des pré-requis
cognitifs qui font défaut à l'enfant ou à l'adulte. Cette méthode lui permet
d’apprendre à réfléchir. Il a pu bénéficier d’une évaluation dynamique,
évaluation qui mesure son potentiel d’apprentissage et les fonctions cognitives
déficientes. Il est transformé. Pour la première fois de sa vie, des adultes
qui ne font pas partie de sa famille ont confiance en ses capacités. Nous
arrêtons le régime sans gluten et sans caséine qui n’a pas apporté
d’amélioration, au contraire, et qui nous a épuisé.
A partir de novembre, grâce au «Programme d'Enrichissement Instrumental, il est prêt à retenter l'expérience de l'école. Le maître du village désire l'intégrer ,11 ans, dans sa classe de CM2. L’intégration passe progressivement à toute une matinée. Nicolas fait d’énormes progrès : lui qui avait besoin d’un périmètre de sécurité autour de lui et qui ne voulait pas qu’on le touche accepte le contact des autres enfants, il fait les dictées comme les autres. Il est toujours accompagné par un adulte que nous rémunérons.
A 12 ans, il est au collège en 6ième. Il travaille toujours par correspondance avec le CNED mais en plus il suit les cours de Sciences de la Vie et de la Terre, l’Education Physique et Sportive, et la musique au collège. Quelques camarades de l’an passé sont dans sa classe. Nicolas est maintenant accompagné par une auxiliaire de vie Scolaire rémunérée par l’Education Nationale. Quel changement de mentalité ! cela ne peut que nous réjouir : à la maternelle, nous avions supplié qu’une personne, payée par nos soins, puisse rester avec Nicolas ; cela avait été refusé…
A 13 ans en 5ième, Nicolas continue de suivre des cours de PEI (Feuerstein), la principale du collège a demandé que son intégration passe de 3 demi-journée par semaine à une intégration complète avant la fin de l’année. Il a beaucoup progressé.
Grâce à Nicolas, nous avons appris énormément. Nous avons appris à nous réjouir de chaque petite chose. Nous sommes aussi mieux à même de comprendre d’autres parents qui ont des enfants en difficulté. Notre désir est de les aider. Il y a beaucoup de défis à relever. Il ne pourrait pas y avoir de hauts s’il n’y avait pas de bas. La route d’une telle vie est certes difficile mais passionnante et extrêmement riche. Nous ne l’échangerions pour rien au monde.
4) Tous les témoignages apportent quelque chose aux autres, voici le nôtre (extraits):
Aucun parent ne devrait plus ignorer qu'il peut aider son enfant
handicapé à progresser, voire à retrouver tous ses moyens, car chaque être
humain a ce droit.
Cette histoire
commence avec la naissance de notre enfant après seulement six mois et demi de
grossesse. Pourtant, tout avait bien commencé et comme de nombreux parents,
nous attendions "l'heureux événement" avec beaucoup de joie. Mais
cette joie s'est vite transformée en peur. En l'espace de quelques heures,
notre vie a basculé. Nous sommes passés par des instants terribles. Notre
accueil à l'hôpital d'abord où l'on nous a mis en face d'une réalité à laquelle
nous ne pensions même pas quelques heures plus tôt: le décès de notre bébé.
Il sortit sans difficultés, car il était minuscule. Il n'a pas crié,
comme tous les enfants, il n'a pas vécu la douce sensation d'être posé sur le
ventre de sa maman, et nous, ses parents, qui luttions depuis deux jours et deux
nuits, nous réconfortant l'un, l'autre, nous ne l'avons vu que l'espace d'une
poignée de secondes, le temps qu'il faut pour l'emporter d'urgence en
réanimation
Tout était terminé, c'était à lui maintenant
de se battre pour la vie. Dans notre tête, nous nous étions préparés à la mort,
mais les heures passèrent, puis les jours et il tint le coup
Il est resté un mois
et demi sous surveillance dans le service des grands prématurés. Puis nous
avons ramené ce frêle enfant dans notre foyer.
Péniblement, nous essayions
d'éprouver les mêmes plaisirs que tous les autres parents quand ses
grands-parents, les amis, les proches venaient voir Christophe. Mais le coeur
n'y était pas: cet enfant pleurait comme pour rattraper un éventuel retard pris
dans le domaine des vocalises enfantines, il pleurait, criait à nous rendre
malades. Tout cela n'était pas normal mais personne ne semblait le savoir, à
commencer par nous. Après tout, quelles références avions nous ? c'était notre
premier enfant, et tous s'accordaient à dire que ça passerait, qu'il ne fallait
pas s'en faire.
Enfin, après plusieurs visites en pédiatrie,
le mot est lâché: Infirme Moteur Cérébral. Je ne sais pas si en lisant cela
vous pouvez imaginer ce qu'on peut ressentir dans un moment pareil. Un an après
avoir cru perdre notre enfant et après qu'il ait finalement survécu, voilà
qu'on nous annonce qu'il est handicapé.
Je me demande comment nous avons pu encaisser
cela. Le pire des scénarios était en train de se dérouler: alors que nous
avions presque oublié les moments pénibles qui avaient entouré sa naissance,
voilà qu'un second choc nous accablait. Et celui-là, il ne faisait que
commencer. Essayez de vous faire une idée de ce qui s'est passé quand, une fois
rentrés à la maison, notre bébé s'est remis à brailler de plus belle. J'ai lu
un jour le témoignage d'une mère qui a vécu cela elle aussi, elle disait
qu'elle aurait bien voulu le jeter par la fenêtre. C'est horrible, n'est-ce-pas
? pourtant, c'est tout à fait compréhensible pour quelqu'un qui est passé par
là.
Mais, une fois les
effets du choc passés, nous commencions à relativiser. Qu'allait donc entraîner
ce handicap ? un an de retard ? cinq ans ? plus ? nous n'en savions rien et
personne ne savait. Mais tous espéraient que cela durerait le moins longtemps
possible et pour cela nous étions à l'écoute des conseils de notre pédiatre, du
médecin rééducateur, des kinésithérapeutes et de tous ceux entre les mains
desquels passait notre enfant.
La
plupart des parents qui connaissent ce parcours, arrivent à ce stade: l'enfant
est handicapé, il faut entreprendre un long et difficile travail de
rééducation.
Heureusement,
c'est à cette période que nous avons été informés de l'existence d'une méthode
de rééducation originale, que je vous propose de découvrir soit au travers de
l’Association J’avance que j’ai créé avec quelques autres parents, soit en me
contactant directement ou encore lorsqu’il sera édité, en lisant le livre que
je suis en train d’écrire. En résumé, sachez vous entourer: n'hésitez pas à
vous renseigner, avoir l'avis de plusieurs médecins, d'autres parents dans la
même situation, d'associations qui pourront peut-être vous aider. En d'autres
termes, ne vous enfermez pas avec votre malheur, le monde est quelquefois
cruel, mais il y a aussi plein de bonnes volonté qui seront là pour vous
épauler.
Bon courage
5) Témoignage d’une vie et d’un régime qui a
tout changé…
Si je vous fais part de mon témoignage
concernant le régime sans gluten et sans caséine, c’est parce qu’il a
transformé ma vie. Je ne suis pas autiste mais les symptômes liés aux aliments
en question y ressemblent étrangement. Apres 20 ans d’enfer où je devais me
forcer pour tout en ne récoltant que des miettes de bonheur, j’ai enfin un
avenir. Sans le régime, je ne sais pas où j’en serais à l’heure actuelle.
Quand j’étais petit, il y avait des périodes
où je disais à ma mère : " je m’ennuie ". On tentait
alors de passer en revue toutes les activités que j’aimais faire en temps
normal, mais bizarrement plus rien ne semblait m’intéresser ou me faire envie.
Je m’installais alors devant mon ordinateur en réfléchissant à ce que je
pourrais bien faire comme programme. Mais tout était soit trop long, soit trop
compliqué, soit inutile. Tous les arguments étaient bons pour ne pas commencer
une activité. Quand je n’avais pas école, je passais mon temps devant la télé,
seule activité pas trop fatigante qui arrivait à me distraire. J’étais mort de
peur pendant tout ce temps car je savais que j’allais me faire gronder car je
n’avais pas fait mes devoirs. Mais j’étais incapable de me sortir de cet état
là. Le reste du temps, je le passais assis sur mon lit à penser à des trucs que
j’aimais sans jamais rien faire concrètement. Elaborer des projets que je ne
réaliserai jamais, c’est tout ce dont j’étais capable de faire.
En grandissant, le cauchemar continuait mais
comment aurais-je pu m’en rendre compte ? J’avais des insomnies
régulièrement, on me répondait que c’est parce que j’angoissais ou que je
réfléchissais trop à toutes mes idées. Je descendais souvent boire un grand
verre de lait dans ces moments là. J’avais parfois mal à la tête, mais je
refusais de prendre un cachet. Je parlais rarement lors des discussions,
j’avais l’air triste en permanence même quand j’étais censé être joyeux. Une
fois que j’avais exécuté toutes les contraintes de la vie (levé, école, trajets,
devoirs), il ne me restait plus aucune énergie pour faire les choses que
j’aimais. Mon temps libre servait en majeur partie à me reposer et je ne
profitais, en fait, de rien.
Plus j’avançais dans les études, plus les
contraintes étaient fortes. Je n’avais jamais le courage de faire mes devoirs
et j’avais peur en permanence d’aller à l’école. Tous les petits détails me
paraissaient insurmontables. La veille des jours où je devais me raser, je
dormais très mal rien que d’y penser. Le plus dur était de se forcer soi même à
faire les choses malgré tout. C’est comme si je m’auto-torturais. Je devais me
forcer pour faire les activités que j’aime malgré les obstacles tels que les
trajets en bus ou la fatigue. Cela finissait par me saboter mes propres envies,
et je ne savais même plus ce que j’aimais ou pas au bout d’un moment. Une
musique que j’adore arrivait à me soulager un peu. Mais arrivait un moment où
cela me demandait trop d’effort pour écouter. La gêne prenait alors le pas sur
la beauté de la musique. Si je continuais, je finissais par ne plus aimer cette
musique, qui devenait comme associé à mon état de fatigue excessive. J’allais
voir les gens pour me déconcentrer de mon état lamentable. J’écoutais les
conversations sans jamais intervenir. Dans les pires moments, faire un simple
sourire m’aurait coûté trop d’énergie. Je me rappelle avoir passé ma première
semaine de vacance sans mes parents dans un brouillard. Je mangeais n’importe
quoi (des yaourts, des tubes de lait concentré), je passais des nuits blanches
à regarder la télé. J’étais comme un zombie.
Apres le bac, je commençais à supporter de
moins en moins les contraintes de la vie de tous les jours, surtout que je
n’avais plus mes parents pour faire à ma place. Je séchais systématiquement
tous les cours dès que c’était autorisé. Mais l’augmentation de mon temps libre
ne changeait strictement rien. Je ne sais pas si mon état empirait à cause de
l’augmentation des difficultés de la vie due à ma prise d’indépendance, ou si
c’est le fait de manger mal vu mon manque d’énergie pour cuisiner ou si c’était
plutôt un ras le bol général. Je commençais à douter sérieusement de mon
avenir. J’attendais toujours ce paradis promit où les études seraient finies et
où tout irait bien. C’était à tel point que j’ai failli redoubler ma dernière
année parce que je n’arrivais pas à me mettre à faire un petit rapport
d’anglais de trois pages après avoir largement dépassé les délais. J’ai du
payer quelqu'un pour le faire. Mon état commençait à devenir vraiment alarmant.
Quel est l’intérêt de passer sa vie dans la peur et la fatigue à tenter de
survivre jusqu’au lendemain et résister jusqu’aux vacances sans craquer ?
Et moi dans tout cela ? Que faisais-je pour mon propre
plaisir ? La réponse était rien.
On a longtemps cru que j’avais des problèmes
psychologiques ou que je faisais de la dépression. J’ai cherché longtemps
moi-même pourquoi je n’allais pas bien. Apres la psychologie, la méditation, le
sport, les vacances, après avoir éliminé l’école, les bruits, les trajets, les
contraintes de toutes sortes, j’ai fini par me retrouver dans un appartement
avec une réserve d’argent pour plusieurs mois. Je ne dépensais jamais d’argent,
non pas par économie mais simplement parce que j’avais jamais le courage de
sortir ou de faire quoi que ce soit. Je n’avais encore jamais eu de longue
période sans aucune contrainte, et je pensais en ce temps là que j’avais besoin
de liberté totale pour pouvoir réaliser des choses qui me tenait à cœur. Le
premier mois passa dans la brume. J’ai enfin pu me mettre à mes activités le
deuxième mois. Je reprenais espoir. Puis au troisième mois, ce fut la
catastrophe. Je recommençais à passer mon temps à essayer de dormir alors que
je n’y arrivais pas. Je ne faisais plus du tout la cuisine, j’avais arrêté
toutes mes activités et je restais simplement devant la télé ou à réfléchir
sans bouger. Trop fatigué pour faire quelque chose, mais privé du droit au
sommeil. J’avais l’impression de pourrir sur place. Il fallait me rendre à
l’évidence, tout était une contrainte, même les choses dont j’avais le plus
envie ou que je décidais au plus profond de moi-même.
Enfin j’ai entendu parlé du régime. La liste
des aliments en question correspondait exactement aux aliment que j’adorais
justement. Je me suis rappelé que le fameux troisième mois d’enfer était
justement un mois où j’avais recommencé à manger des tonnes de produits
laitiers pour me consoler ou me remonter le moral. Je me suis rappelé que
lorsque je suivais un régime pour perdre du poids, je me sentais anormalement en
forme malgré des petits maux de tête. Ces tous petits indices m’ont convaincu
d’essayer ce régime au moins pendant une semaine. De toute façon, d’un point de
vu logique, il ne restait plus grand chose qui aurait pu me causer du mal à
part la nourriture. Au bout de trois jours, des effets incroyables ont commencé
à se faire sentir. Il faut bien comprendre que pour moi, ce fut une révélation
sur ce que pouvait être la vie chez les autres gens. J’étais comme cela depuis
tout petit, et je n’aurais jamais pensé que les autres ne passait pas leurs
temps à se forcer comme je le faisais. En effet, interrogez les gens, tout le
monde vous dira qu’ils n’aiment pas se lever le matin ni se raser ni aller au
boulot, ni débarrasser la table. Personne n’aime aller faire ses courses quand
il y a trop de monde, personne n’aime les trajets, personne n’aime faire ses
devoirs ou rédiger un long projet. Tout le monde est fatigué après une journée
de travail et a besoin de vacances pour se reposer. Comment aurais-je pu me
rendre compte que j’étais différent et que chez moi c’était, en fait, bien
pire à cause d’un manque d’énergie incroyable ? J’essayais de mener ma vie
tant bien que mal en croyant fournir les mêmes efforts que tout le monde.
Comment aurais-je pu savoir que la vie pouvait être un plaisir ?
Je ne pouvais pas être heureux avant. Je ne
pouvais que me sentir moins mal tout en étant ballotté d’une contrainte à
l’autre. Je subissais ma vie. Non, je n’étais pas fainéant comme tout le monde
le croyait, moi y compris. La réalité est que je déployais des efforts
surhumains pour atteindre l’honorable niveau de " personne un peu
fainéante qu’il faut secouer un peu " .
Le déroulement du
régime
En une semaine, je ne me reconnaissais
plus. J’ai rangé toute ma chambre alors que je n’y avais pas touché depuis des
mois. Je chantonnais sous la douche, J’étais plus souriant, je répondais
volontiers quand on me posait une question alors qu’avant, il fallait tout
m’arracher. C’était un nouveau moi-même. Je sentais encore quelques réflexes de
peur pour tout un tas de chose mais je me rendais compte qu’ils n’avaient pu
lieu d’être. J’avais soudain envie de sortir et de bouger. J’ai pu apprécier
pour la première fois le plaisir d’une grasse matinée passée à s’étirer dans
son lit. C’est comme si je disposais tout d’un coup d’une source d’énergie
infinie qu’il suffisait simplement de canaliser. J’avais juste à prendre des
simples décisions sur les choses à faire pour pouvoir les réaliser
immédiatement. Je ne passais plus mon temps à tenter de me motiver pour tout ou
à devoir organiser les corvées et les pauses dans ma journée. Je ne stressais
plus à l’avance pour les corvées, j’y pensais que le moment venu.
Au début du régime, j’avais tendance à ne
rien manger. Bien souvent, j’étais pris de fringale mais quand je regardais ce
que j’avais le droit de manger, bizarrement je n’avais plus vraiment faim.
J’appelle cela des fringales sélectives. Il est clair que ce n’est pas de la
faim, c’est du manque. Ma sensation de faim était complètement étouffée. Je
devais me fier aux gargouillis de mon ventre pour savoir si j’avais réellement
faim. Il a bien fallu 5 jours pour que la sensation de faim réapparaisse. Quand
on a vraiment faim, on mange n’importe quoi, tout paraît bon au goût !
Au fur et à mesure que je respectais le
régime, mon goût s’ouvrait aux autres aliments. Je devenais capable d’apprécier
les saveurs des aliments et les produits laitiers me semblaient moins
importants ou " vitaux ". Avant la nourriture était un peu
le seul plaisir de la journée. Maintenant ce n’est plus le cas du tout. Par
contre, le moindre écart au régime devenait fatal. Je restais couché pendant
trois jours complets. Je n’avais jamais eu de crise aussi forte auparavant même
avec tout ce que je mangeais.
Il faut comprendre que ce régime avait un
aspect un peu magique. Je n’arrivais pas à réaliser que des nourritures qui
m’ont toujours soutenu fidèlement pendant mes moments de déprime et que surtout
je mangeais depuis tout petit puissent avoir un effet aussi désastreux. Aussi je
craquais de temps en temps en croyant que cela ne se verrai pas, un peu comme
dans un régime pour maigrir peut-être. Hélas, le verdict était sans appel.
Etourdissement dans les 20 minutes qui suivent, un peu comme si j’avais bu de
l’alcool. Fortes contractions musculaires. Et BOUM, je retombe dans un état
lamentable. Incapable de penser ou de me souvenir de quelque chose sans fournir
un effort surhumain.
Pendant les premières semaines, mon état
oscillait entre le beau fixe et le retour à l’enfer. Je pensais qu’il restait
des mauvais aliments et je soupçonnais un peu tout mais c’était juste une
oscillation naturelle semble-t-il. Avec le temps les crises étaient de moins en
moins forte. Il ne faut donc pas se croire " guéri " trop
vite. Il y avait aussi une part de fatigue qui étaient naturelle je pense. Sauf
que quand c’était le cas, je tombais de sommeil, ou je faisais une courte pause
pour me regonfler d’énergie. En tout cas, il fallait que je réapprenne tout sur
moi-même. Tous mes repères étaient faux.
A force d’être mit KO pendant trois jours
pour de minuscules écarts (= un café au lait), je commençais à avoir peur des
nourritures interdites. Du coup, cela me gênait de moins en moins de m’en
priver. Ce n’est pas aussi frustrant comme dans un régime amaigrissant où l’on
se prive de ses gourmandises préférées. Ici, il s’agissait clairement d’un
poison pour mon organisme. Ce qui est difficile, c’est surtout le fait de pas
pouvoir manger comme les autres au restau ou bien de se partager une pizza
entre amis. Mais bon je suis tellement mieux maintenant que je ne regrette
vraiment rien.
Les symptômes
semblant lié au Gluten/Caséine
Pendant cette période de mise en place
du régime, j’ai pu dresser une liste des symptômes qui sont lié à l’ingestion
de Gluten ou de Caséine chez moi. En effet, les contrastes important
permettaient une comparaison sur mon état malgré les difficultés que l’on peut
avoir à s’auto-observer, surtout quand on a plus d’énergie pour le faire…
REPOS
Insomnie.
Quasiment aucune influence d’une nuit blanche sur l’état générale. Déphasage
perpétuel.
Le
sommeille n’est pas réparateur du tout et peut être interrompu n’importe quand.
C’est comme si on attendait à rien faire.
Se
méfier car je gardais les yeux fermés, on aurait pu croire que je dormais.
ACTION
Tout
est contrainte, même servir un verre ou pratiquer une activité adorée.
Action
que sous contrainte ou menace forte.
Manque
d’énergie totale
MENTAL
Difficulté
pour penser dans les pires moments. (je devais tout écrire systématiquement pour
pouvoir réfléchir)
Ralentissement
de la pensée
Il
faut se forcer pour se rappeler d’un événement. Le souvenir est bien mémorisé,
mais l’ " accès " est fatiguant.
Difficulté
à maintenir ses propres pensées, parfois vide
Diminution
du champ visuel et auditif. Les images me paraissent plus nettes comme si avant
je n’avais que des approximations. Elles sont plus brillantes et subtiles
aussi.
Tout
ce qui dérange mon cerveau est mal. Tout dérange…
Les
facultés intellectuelles semblent préservé tant qu’on ne doit pas être actif.
Je n’avais pas de problème pour comprendre un cours passivement. Mais je ne
pouvais pas faire les exercices, ou parfois je paraissais un peu embrouillé en
exposant des idées. Mais je pense que ma réflexion n’était pas atteinte. Un peu
comme après une nuit blanche, on fait n’importe quoi intellectuellement mais
après repos on se remet à tout savoir faire ou répondre comme avant.
PHYSIQUE
Muscle contracté en permanence. Impossibilité
de décrisper les muscles. Tout mouvement devient difficile et fait souffrir.
Epaules recroquevillée. Il n’y a pas de position ou l’on se sent bien. Je m’en
suis rendu compte que grâce au régime. Au bout de trois jours, tous mes muscles
se sont mit à se détendre d’un seul coup. Je me suis senti comme si je sortais
de 80km de vélo. J’avais tendance à laisser mes coudes remonter sur les cotés
en maintenant mon bras légèrement dans le vide auparavant. Pour dormir, je
mettais instinctivement mon oreiller sur ma tête pour que le poids arrive à
détendre un peu mon cou lorsque j’étais allongé. Sinon j’avais tendance à le
redresser un peu. C’est le principal symptôme qui ne soit pas psychique et qui
est " constatable " objectivement !
Visage figé et peu expressif. Les yeux
souvent baissés. Je regarde par terre en marchant ou je regarde la table en
mangeant, c'est plus reposant.
Parler est fatigant
Différence de sensibilité à la température
entre le corps et le visage. Si je règle la douche tiède pour mon corps, elle
me paraît brûlante pour ma figure
Mettre mes lunettes sur mon nez était
fortement désagréable et me demandait un effort de volonté.
Difficulté pour enfiler des vêtements à cause
de la sensation tactile désagréable (j’ouvrais la fenêtre pour avoir froid, ça
m’aidait à m’habiller plus vite).
Je n’ai jamais eu mal au ventre ou eu des
problèmes de digestion flagrants avec la nourriture en question. Sinon j’aurais
peut-être pu m’en apercevoir plus tôt.
QUOTIDIEN
Remise
en cause systématique de toute habitude. Exemple, je devais me convaincre tous
les matins de prendre ma douche. Il n’y a rien d’automatique car tout est
coûteux en effort.
Je
remets tout à plus tard, systématiquement
Je
ne fais jamais les choses par plaisir, mais pour me sentir moins mal.
Je
me laissais embarqué dans des sorties ou des activités sans pouvoir dire non
alors que j'étais mal.
PLAISIR
D’une
façon générale, la perception du plaisir est complètement étouffée. C’est comme
si je ne percevais que l’aspect neutre ou négatif de toute choses.
Je
ne percevais presque pas les émotions des visages. Un sourire me semblait
hypocrite par exemple.
Pas
de plaisir à prendre une douche chaude ou à dormir ou après une activité
physique quand on s’écoule dans un fauteuil. Pas de plaisir à bouger, parler,
chanter, réaliser des choses, faire un bon petit plat cuisiné. Tout est corvée.
Au niveau plaisir, je n’avais que les miettes de ce que j’aurais du éprouver
pour ce qui m’est arrivé de bien dans ma vie.
DOULEUR
Forte
diminution de la sensation de douleur.
On
s’aperçoit d’une douleur normalement sauf que cela ne nous pousse pas à vouloir
s’en débarrasser...
Ne
pas aller chez le docteur quand on est malade. Rester à souffrir de son mal de
dent au lieu d’aller chez le dentiste. Rester à avoir froid au lieu de trouver
son pull. Pas baisser le volume quand la télé me casse les oreilles.
Par
contre ça empire l’état de fatigue et d’angoisse. Je suis donc obligé
rationnellement de me surveiller.
Malheureusement,
plus l’état empire, moins je suis capable d’avoir de la volonté pour me sortir
de là.
CRISES
J’avais quelquefois des crises incroyables
d’angoisse ou de haine. Ces crises me paraissaient justifié sur le moment mais
en fait c'était pour des détails ridicules ou des reproches. Il m’arrivait de
disjoncté complètement et d’être " déconnecté " de la
réalité. Je réagissais plus du tout à rien, ce qui avait un effet désastreux
sur les personnes qui m’aimait (le fait de voir l’être aimé complètement
froid et vous ignorant). Ma mère s’était mise à pleurer une fois et ça ne
m’avait rien fait du tout. Je ne ressentais plus aucune émotion même si je
restais conscient de ce qui se passait. Cela pouvait durer plusieurs heures.
Apres cela revenait progressivement et je mesurais alors toute l’horreur de ce
qui venait de se passer. Je me sentais super mal car je me souvenais de tout.
Par contre ce coup ci les émotions étaient là. Mais les choses avaient dégénéré
bien au-delà de ce que je pouvais supporter malheureusement.
Le froid peut déclencher une crise de ce
style avant même que je m’aperçoive que je suis mal. Je deviens incapable de
prendre une décision ou de trouver une solution pour me mettre au chaud, je
sais plus parler. Si on me demande ce qui ne va pas, la simple question
m’oblige à réfléchir et me fait souffrir. Je commence à m’énerver si quelqu'un
ne me ramène pas tout de suite à l’abri mais le fait de m’énerver et de parler
empire mon état. Je deviens complètement ligoté et je déteste très fort la
personne avec moi, surtout si elle me demande un service ou de tenir un truc.
Et après je suis complètement déconnecté, je ne sens plus rien. Une fois, je
suis resté à marcher pendant deux heures dans une ville au hasard parce que je
n’arrivais pas à m’arrêter ou à regarder un plan ou à réfléchir comment je
pourrais retrouver mon chemin. Je n’aurais même pas pu demander de l’aide à
quelqu'un. Il aurait fallu qu’il devine tout seul sans rien me demander. Or il
m’aurait plutôt harcelé de question ce qui était insurmontable dans ce moment
là.
Comment n’ai-je pas
pu me rendre compte de tout cela me direz-vous ?
En fait c’est parce que cela transforme
ma façon de pensée insidieusement. A chaque moment, j’ai l’impression d’être
moi-même et de réfléchir comme j’en ai l’habitude. Par exemple, je ne me dis
pas " tiens, je manque d’énergie pour telle chose " mais
par contre, il se trouve que " je n’ai pas envie " de faire
cette chose tout à coup. Pire si j’en ai pas envie, je n’y pense même pas et je
refoule l’idée à peine arrive-t-elle à mon esprit. Je ne peux pas faire la
différence. C’est toujours moi qui décide dans tous les cas. Je ne peux pas me
remettre en cause dans ce que j’ai envie ou pas. Un autre exemple qui illustre
bien ce problème d’altération du jugement est celui-ci : Pendant la phase
de mise en place du régime, je voulais noter l’effet que produisait sur moi un écart.
Cela se traduisait ainsi au niveau de mes pensées " je dois repérer
les symptômes ", " je dois repérer les
symptômes ", " oh et puis j’en ai marre "… J
Bien souvent, les effets se produisaient en une heure, mais je n’avais
suffisamment de recul pour m’en apercevoir que 5 heures après. Bizarrement mon
taux d’activité avait chuté ou je recommençais à vouloir regarder la télé !
Je voudrais signaler que ce n’était pas des
choses elles-mêmes que j’avais peur, mais de devoir les faire. Il y a une
nuance. J’aimais bien les gens, mais concrètement je fuyais le contact social.
Cela me rendait très malheureux mais d’un autre coté, discuter était trop
éprouvant pour moi. Il y a une nuance à saisir.
Ma vie n’était pas aussi noir que je l’ai
décrite. J’ai surtout parlé des moments les pires. Maintenant je vais beaucoup
mieux grâce au régime. Je n’ai presque plus peur. Je suis détendu. J’aime bien
rire avec les autres. Je n’ai plus peur du trajet pour aller voir un ami ou de
demander un billet de train au guichet par exemple. Je mange beaucoup moins
qu’avant sans faire spécialement attention. Je profite mieux de la vie et suis
beaucoup plus disponible pour mon entourage. Les services rendus ne sont plus à
sens unique et je sais rendre la pareille dorénavant. J’ai l’impression d’avoir
un passé car les souvenirs me reviennent en mémoire spontanément. Je ne stresse
presque plus à l’avance et gère les problèmes quand ils se présentent au lieu
d’anticiper le pire à chaque fois. Que des petits détails qui ne se voient
peut-être pas de l’extérieur mais qui, pour moi, change tout. Ce n’est pas une
question de capacité intellectuelle pour ma part. J’ai tout de même réussi
toutes mes études sans l’aide du régime, il ne faut pas l’oublier.
Il s’agit de bonheur,
tout simplement.
Blouf Bloufor@aol.com
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